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14 questions / 14 réponses sur le «pacte de compétitivité» par Jean-Jacques Chavigné

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Le projet de « pacte de compétitivité » présenté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault marque un tournant dans la politique de notre gouvernement. Ce « pacte » accorde une réduction (annuelle à partir de 2015) de 20 milliards d’euros au patronat sans y mettre la moindre condition.

Notre parti, le Parti socialiste, doit prendre toute la mesure de ce tournant. Il doit, d’abord, peser de tout son poids pour que nos parlementaires limitent, au maximum, les dégâts de ce « pacte » en fixant au patronat des conditions précises en termes d’investissements productifs et d’emplois.

Il doit, ensuite et surtout, agir pour réorienter la politique de François Hollande. Le projet de « pacte de compétitivité » indique à quel point il y a urgence. L’enjeu de la période à venir est de savoir si le mouvement social qui se dessine, en France, comme dans toute l’Europe, se fera contre François Hollande ou en appui de François Hollande.

Si le mouvement social se mobilise contre François Hollande, ce sera la gauche, toute la gauche qui perdra et tout le salariat avec elle. Dès les élections municipales de 2014 nous serons confrontés à la montée de l’abstention et du vote Front National.

Mais le mouvement social ne pourra se mobiliser pour soutenir François Hollande que si la politique de notre gouvernement se réoriente pour répondre aux aspirations du salariat (Smic, salaires, interdiction des licenciements boursiers, temps de travail réel au plus près des 35 heures…) et non pour satisfaire celles du patronat.

Ce soutien est indispensable pour que François Hollande et Jean-Marc Ayrault puissent résister aux pressions extrêmement fortes du Medef, de Merkel et des Marchés financiers plutôt que d’y céder, comme ils l’ont fait, avec le traité d’austérité (TSCG) et maintenant le « pacte de compétitivité ».

Pour agir, il faut d’abord analyser les faits, les projets. C’est ce que ces 14 réponses à 14 questions sur le pacte de compétitivité essaient de faire.

1- Qu’est-ce que le « pacte de compétitivité » ?

Ce « pacte » consiste en un allègement de 20 milliards d’euros du « coût du travail » pour les entreprises. Cet allègement du « coût du travail » n’est pas un allègement ponctuel, pour l’année en cours, mais un allègement permanent de 20 milliards d’euros à partir de 2015. Sa montée en charge sera progressive : 10 milliards d’euros en 2013 ; 15 milliards en 2014 ; 20 milliards en 2015 et les années suivantes.

Cet allégement du « coût du travail » prendra la forme d’un crédit d’impôt, c’est-à-dire d’une réduction d’impôt pouvant donner lieu à un remboursement. Ce crédit d’impôt concernera soit l’Impôt sur les Sociétés, soit l’Impôt sur le Revenu payé par un employeur. Ce crédit sera proportionnel à la masse salariale d’une entreprise pour les salaires jusqu’à 2,5 fois le Smic. C’est une nouvelle niche fiscale au profit des entreprises qui est ainsi créée.

2- C’est un « pacte » entre qui et qui ?

C’est un « pacte » entre le gouvernement d’un côté et personne de l’autre. Le patronat n’a signé aucun engagement. Les syndicats seront simplement « consultés ». Une consultation n’est pas une négociation : si les syndicats ne sont pas d’accord, le gouvernement n’a aucune obligation de changer son projet de loi.

3- Pourquoi le Medef a-t-il approuvé le « pacte » ?

Laurence Parisot s’est félicitée que le gouvernement ait entendu « son message ». Elle a affirmé : « Nous pensons très clairement que les principes énoncés par le gouvernement vont dans la bonne direction ». Il n’y a rien d’étonnant à ce satisfecit puisque le projet du gouvernement reprend à son compte le projet du Medef d’une importante « diminution du coût du travail ». Le Medef, cependant en demande toujours plus. Le gouvernement lui a donné une main, il demande le bras et exige maintenant des « réformes structurelles » visant à « flexibiliser », c’est-à-dire à précariser toujours plus le travail.

4- Qui va payer ?

Les salariés, de deux façons. D’abord, par une augmentation de la TVA (près de 7 milliards d’augmentation sur les 20 milliards d’euros annuels accordés au patronat. C’est l’impôt le plus injuste car il frappe proportionnellement beaucoup plus durement les ménages qui sont obligés de dépenser tout ce qu’ils gagnent pour finir le mois que ceux qui peuvent épargner une partie de leurs revenus. La taxe « écologique » dont nul ne connaît l’assiette ou le taux (mais qui ne touchera pas les entreprises…) ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

Ensuite, par la réduction des dépenses publiques, pour 10 milliards d’euros. Le site du ministère de l’Economie précise que ces réductions toucheront « l’Etat, les collectivités locales, la protection sociale ». Mais quand on réduit ces dépenses, ce sont les plus démunis qui sont les plus touchés : ils ne peuvent pas payer des services privés, que ce soit les transports ou les assurances santé complémentaires.

5- Est-ce un retour de la TVA « sociale » ?

Oui, hélas. La différence n’est pas qualitative mais quantitative. Sarkozy avait augmenté la TVA de 1,4 point. Le parlement de gauche avait, fièrement, abrogé cette loi. Le « pacte de compétitivité » remet en place la TVA « sociale » en augmentant la TVA pour financer un allégement du « coût du travail ». François Hollande s’était pourtant, très fermement et très justement, opposé à la TVA « sociale » lorsqu’il était candidat à la présidence de la République.

Le taux de la TVA à 19,6 % augmentera de 0,4 points pour atteindre 20 %. Celui de TVA intermédiaire sera porté de 7 % à 10 % Le taux réduit, celui qui porte sur les « produits de première nécessité, sera ramené de 5,5 % à 5 %. Mais là encore, l’arbre ne doit pas cacher la forêt : la TVA, l’impôt que le Parti Socialiste a toujours considéré comme l’impôt le plus injuste, augmentera globalement de près de 7 milliards d’euros par an.

6- A quelles contreparties le patronat s’est-il engagé ?

Le patronat ne s’est engagé à rien, strictement à rien, en contrepartie des 20 milliards de réduction d’impôt annuel qui lui seront accordés. La suggestion d’Arnaud Montebourg de conditionner la baisse du « coût du travail » à l’obligation de réaliser des investissements productifs n’a pas été retenue. La participation de représentants de salariés aux Conseils d’administration des grands groupes est entièrement à négocier. La cogestion allemande n’avait, de toute façon, pas évité au salariat allemand l’énorme régression que lui avaient imposée, au début des années 2000, les lois « Hartz I à IV » du chancelier du SPD, Gérard Schröder.

Les 20 milliards d’euros de réduction d’impôt pourront parfaitement aller à la distribution de dividendes pour les actionnaires. Les entreprises pourront continuer à délocaliser et à profiter du « crédit d’impôt ». Malgré la pratique continue du patronat sur ces questions, le « pacte de compétitivité » lui accorde une entière confiance.

7- Le « pacte de compétitivité » peut-il créer 300 000 emplois à l’horizon 2017 ?

La « politique de l’offre », c’est-à-dire la politique de baisse du « coût du travail », sous la forme de la réduction des cotisations sociales patronales, a été appliquée par la droite avec constance depuis 10 ans. Elle n’a jamais créé un seul emploi, au contraire puisque le nombre des demandeurs d’emplois, entre 2002 et 2012, a augmenté de 1 million en France. Pourquoi le « pacte de compétitivité » qui n’est qu’une variante de cette « politique de l’offre », aurait-il des effets différents ?

Avec le « pacte de compétitivité » c’est cette « politique de l’offre » qui continue. C’est le « théorème » d’Helmut Schmidt (le chancelier de la RFA) du milieu des années 1970 qui ressort du placard. Ce « théorème » affirmait : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Il a été mis en œuvre partout en Europe au début des années 1980. Les profits ont, certes, augmenté et retrouvé rapidement leur niveau d’avant la crise de 1973-1974, en faisant reculer de 10 points la part des salaires dans le partage de la richesse nationale. Mais les investissements ont stagné et le nombre des chômeurs qui s’élevait, en France, à 1 million avant cette crise atteint maintenant 5 millions, toutes catégories confondues.

Les profits des entreprises ont, avant tout, profité aux actionnaires dont les dividendes ont considérablement augmenté. Ces dividendes sont allés gonfler les bulles financières et immobilières qui on fini par éclater et plonger l’économie mondiale dans la crise de 2007-2009. Est-il vraiment judicieux d’accorder 20 milliards d’euros par an au patronat sans la moindre garantie qu’ils n’iront pas gonfler de nouvelles bulles ?

8- La compétitivité d’une économie se limite-t-elle au prix d’un produit ou d’un service ?

Non. La compétitivité « hors coût » est, elle aussi, très importante. Cette compétitivité passe par les infrastructures, les transports, l’enseignement, les services publics.

Cette compétitivité est liée, également, aux investissements de « recherche et développement » réalisés par les entreprises. Et, de ce point de vue, notre pays est très en retard sur l’Allemagne. En 2010, les entreprises allemandes ont consacré 31 milliards d’euros à la recherche-développement, les entreprises françaises seulement 15 milliards. Entre 2001 et 2010, trois fois plus de brevets ont été déposés en Allemagne qu’en France

Les grandes sociétés françaises ont fait le choix d’augmenter la distribution de dividendes plutôt que d’augmenter la recherche-développement. Cette dernière s’élevait à 42 % des dividendes versés en 1992 et seulement à 25 % en 2010. Comment s’étonner, dans ces conditions, du manque de compétitivité de l’économie française ?

L’Allemagne fonde aussi une partie de son succès industriel sur l’association entre les banques d’un land et les entreprises locales. Le rôle accordé aux Régions dans la Banque publique d’investissement ne semble pas avoir vraiment pris en compte cette cause du succès de l’industrie allemande.

9- Pourquoi le « pacte de compétitivité » ne parle-t-il pas du coût du capital ?

C’est difficile à comprendre. Le prix d’un produit ne se limite pas au « cout du travail ». Le coût du capital rentre aussi, bien évidemment, dans le coût d’un produit. Et, le coût du capital a considérablement augmenté. En 1980, le total net des sommes versé aux actionnaires des sociétés françaises s’élevait à 3,2 % du PIB. Ce total était de 9,3 % en 2010. Entre 1990 et 2010, ce montant est passé de 5,6 % du PIB à 9,3 %. Ces 9,3 % du PIB, représentent 180 milliards d’euros pour la seule année 2010.

Si le patronat veut être compétitif, comme il l’affirme à cors et à cris, il lui suffit de diminuer le montant des dividendes versés aux actionnaires pour diminuer le coût des produits ou des services. S’il ne le fait pas c’est parce que, en réalité, sous la soi-disant recherche de compétitivité c’est un autre objectif (que le patronat n’ose pas avouer) qui se dissimule : celui de la rentabilité des entreprises. C’est cette rentabilité qui permet aux sociétés françaises de continuer à verser des dividendes aux actionnaires alors que la crise oblige les salariés à se serrer la ceinture.

Au cours des 10 dernières années, PSA a versé 6 milliards de dividendes à ses actionnaires, sous forme de rachats d’actions ou de versements directs. Ces 6 milliards représentent 3 125 euros bruts mensuels de salaire qui pourrait être versé pendant 20 ans aux 8 000 salariés que PSA licencie pour, prétend-elle, améliorer sa « compétitivité ».

Maintenant, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault accepte de verser 7 milliards d’euros pour éviter à la banque de PSA (PSA Finance) de faire faillite. Ces 7 milliards représentent 3 125 euros bruts, par mois, de salaire qui pourrait être versé pendant 20 ans à 9 500 des salariés des entreprises de sous-traitance de PSA qui vont se retrouver sans emploi.

10- Pourquoi le « pacte de compétitivité » ne parle-t-il pas du coût de l’euro cher ?

C’est tout aussi difficile à comprendre. La valeur de l’euro par rapport au dollar a été revalorisée de 78 % entre 2002 et 2008. Cela signifie que pour les exportations françaises, hors de la zone euro, les prix ont presque doublés ! Comment dans ces conditions les produits libellés en euros pouvaient-ils rester compétitifs ? L’Allemagne est moins touchés parce qu’elle se situe dans des secteurs de produits « haut de gamme » moins sensible à la hausse des prix.

11- Existe-t-il un problème du « coût du travail » en France ?

Non. Selon l’INSEE, en 2011, le « coût du travail » (salaires directs + cotisations sociales) dans l’industrie était à peu près le même en France (35,91 euros de l’heure) qu’en Allemagne (35,41 euros).

Le projet de « pacte de compétitivité » ne tient aucun compte du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale. Ce rapport avait pourtant été demandé par notre gouvernement en même temps que le rapport Gallois. Il constate que le salaire dans l’industrie a évolué, en France entre 1996 et 2011, comme le salaire médian dans l’Union européenne. Il précise : « C’est l’Allemagne qui a suivi une évolution atypique en Europe, notamment entre 2003 et 2006 ». L’Allemagne a mené entre 2003 et 2006 une politique de « dumping salarial » en bloquant brutalement l’augmentation des salaires.

12- En quoi baisser le coût du travail dans la grande distribution pourrait-il contribuer à rendre l’industrie plus compétitive ?

Le « pacte de compétitivité » permettra à toutes les entreprises de bénéficier d’une réduction d’impôt qu’elles soient dans le secteur de l’industrie ou dans celui des services.

Le « pacte de compétitivité » permettra donc à la grande distribution de bénéficier de ce « crédit d’impôt » puisque la quasi-totalité des salariés de ce secteur sont payés en dessous de 2,5 Smic. Comment croire que le montant des salaires de la grande distribution entre dans le prix d’un produit industriel ? C’est en réalité une prime qui est accordée à un secteur où sévissent la précarité et le temps partiel imposé.

13- Diminuer la demande salariale, n’est-ce pas prendre le risque d’une récession ?

Oui, c’est prendre ce risque. Pour le comprendre, il suffit d’être réaliste et d’oser regarder en face la réalité qui nous entoure. La politique de diminution de la demande salariale a échoué partout en Europe.

Partout où les Etats appliquent cette politique de diminution de la demande salariale, ce n’est pas la croissance qui est au rendez-vous, mais la récession ou (au mieux) la stagnation de l’économie. C’est le cas notamment de la Grèce, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne que l’Union européenne a contraint à adopter de telles politiques. Les derniers chiffres de l’institut officiel de statistiques de l’Union européenne (baisse du taux de croissance du PIB entre le 2ème trimestre 2011 et le 2ème trimestre 2012) indiquent clairement l’ampleur des dégâts : – 6 % pour la Grèce ; – 3,3 % pour le Portugal ; – 2,5 % pour l’Italie ; – 1 % pour l’Espagne.

La France et même l’Allemagne sont touchées. La Commission européenne ne prévoit qu’une croissance de 0,4 % pour la France en 2013 et 0,8 % pour l’Allemagne. Ces chiffres sont terribles. Il n’est possible de commencer à créer des emplois qu’avec une croissance d’au moins 1,5 % en France : une croissance de 0,4 % annonce une perte supplémentaire de centaines de milliers d’emplois.

Cette politique est d’autant plus redoutable que, non seulement, elle étouffe la demande intérieure de chaque pays européen mais qu’il en va de même pour leur demande extérieure. 70 % des échanges de la zone euro se font à l’intérieur de la zone euro et les politiques de baisse de la demande salariale y sont simultanées. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) met en garde contre cette simultanéité des politiques de rigueur. Pour cet observatoire, une politique restrictive généralisée à l’ensemble des grands pays européens entraînerait une récession sévère : – 1,4 % en Allemagne ; – 3 % en France (comme en 2009) ; – 3,7 % en Italie ; – 3,2 % en Italie. Il est nécessaire, au contraire, de relancer massivement la consommation salariale. C’est ce que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait commencé à faire mais le « pacte de compétitivité » tourne le dos à cette politique et met le doigt dans un engrenage très dangereux.

14- Peut-il y avoir 17 « Allemagne » en Europe ?

Vouloir créer 17 « Allemagne » comme le prétend Angela Merkel n’a aucun sens. Si l’Allemagne a aujourd’hui un important excédent commercial c’est parce que d’autres pays européens (dont la France et les pays du sud de l’Europe) connaissent un déficit tout aussi important. Dans une zone où 70 % des échanges sont intercommunautaires, prôner la compétitivité des uns se fait forcément aux dépens des autres.

C’est une Europe plus solidaire, à l’inverse de ce que préconise Merkel qui permettra de sortir l’Union européenne de son marasme. Il faudrait pour cela non seulement un pacte de croissance digne de ce nom mais instaurer (par étapes) un salaire minimum européen pour en finir avec le dumping social auquel s’est livré l’Allemagne entre 2000 et 2005. A chaque élection européenne, notre parti fixe cette perspective mais l’oublie malheureusement aussitôt après.

L’Allemagne, de surcroît, n’est nullement un modèle. C’est un désastre social pour des millions de salariés. Le faible taux de chômage s’explique surtout par le fait que l’Allemagne manque cruellement de jeunes. Les lois Hartz I, II, II et IV, votées de 2003 à 2006, ont fait de l’économie allemande une économie duale où coexistent un secteur industriel avec des salariés relativement bien payés et un secteur des services où foisonnent les emplois à temps partiel imposé et les emplois précaires et où ¼ des salariés sont des salariés à 400 euros.

Jean-Jacques Chavigné

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